VOYAGES INTÉRIEURS

VOYAGES INTÉRIEURS

Menu

Expérience de méditation

760 Ombre et lumière
760 Ombre et lumière

Ce matin, j’ai de nouveau eu une très forte expérience : comme chaque fois, elle semble rendre les précédentes un peu ternes. Levé à 4 heures, j’ai commencé le ngöndro* et ai ressenti les premiers effets des jhanas* en récitant le guru mantra*. Je me suis arrêté au « TA » et, comme j’étais parti très fort dans les jhanas, je n’ai pas fini le ngöndro mais ai continué dans mon expérience jusqu’à 8 heures, alternant jhanas et insight*. J’ai d’abord vu que de la vacuité naît l’infinité de l’espace (l’infinité de la conscience était moins évidente), qui est l’infinité de dukkha* et correspond au samsara*. Alors est née une infinie compassion : je l’ai ressentie très fortement ; elle correspondait au nirvana. Mais ils ne sont qu’un, et la vacuité les pénètre tous les deux ! J’entrevois donc l’unité du samsara et du nirvana, de la vacuité (ou sagesse) et de la compassion. 

J’ai alors commencé à voir que dans cette infinité de l’espace rien n’avait de substance ; petit à petit, cette infinie agitation s’est calmée et finalement tout est devenu parfaitement immobile, arrêté, silencieux : c’était la fin de toute chose. Il n’y avait plus de temps et tout s’est peu à peu dissous dans la vacuité. C’était une vision de la dissolution : le fait qu’en dehors du temps et du mouvement, dans l’immobilité du moment présent, plus rien n’a de réalité, de signification ; il n’y a plus de vie, plus d’interdépendance, de cause et d’effet, d’impermanence, de dukkha, de fin de dukkha, de voie… Je retrouvais le Soutra du cœur. Je comprenais que la substance est créée par l’illusion de la continuité, qui disparaît quand on ne voit que la pure perception du moment présent. C’est la pure nature non née : l’absolu. Tout cela est très loin de la vision habituelle et relative du monde.


* Ngöndro (tibétain) : pratique quotidienne du bouddhisme tibétain (et du dzogchen en particulier) qui comprend la prise de refuge et les prosternations, la pratique de guérison de Vajrasattva, l’offrande du mandala et le guru yoga

Jhana (pali ; sanscrit : dhyana) : absorption méditative. Les jhanas sont des états de profonde méditation produits par la concentration. Les enseignements du Bouddha citent huit jhanas – quatre jhanas de la sphère matérielle subtile et quatre jhanas de la sphère immatérielle. Si Ayya Khema insistait beaucoup sur l’importance de la pratique des jhanas, curieusement, ils sont rarement enseignés dans les milieux bouddhistes occidentaux, et même souvent déconseillés.

Guru mantra : mantra de Guru Rinpoché (Padmasambhava), om ha hum vajra guru padma siddhi hum.

Insight (anglais) : littér. vision intérieure. Terme utilisé dans le bouddhisme pour désigner la méditation de la sagesse (vipassana, insight meditation), par opposition à la méditation du calme (samatha). Ce mot est couramment utilisé en anglais pour nommer une vision intérieure, révélation, compréhension, intuition profonde, prise de conscience… Comme je n’ai pas trouvé de mot français qui me semblât approprié pour exprimer la véritable connotation d’insight, j’ai préféré garder le mot anglais.

Dukkha (pali) : insatisfaction, imperfection, souffrance. Une des trois caractéristiques de l’existence et de tous les phénomènes, selon le bouddhisme. Les deux autres sont anicca (l’imper­manence) et anatta (l’impersonnalité). Il y a trois sortes de dukkha : le dukkha de la souffrance : la souffrance est douloureuse par elle-même ; le dukkha du plaisir : le plaisir n’est pas complètement satisfaisant parce qu’il contient l’incertitude de son accomplissement et de son prolongement, la crainte de sa cessation et la nature douloureuse de la lassitude et de la satiété qu’il ne manquera pas de produire ; et le dukkha inhérent à tous les phénomènes conditionnés.

Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.

 

13 février 1991, Burradoo (Australie) – retraite avec Ayya Khema

Site créé par Pierre Wittmann