VOYAGES INTÉRIEURS

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Contemplation de la vacuité

779 Lumière jaune

779 Lumière jaune

Je ne fais pas beaucoup de méditation, trente à quarante-cinq minutes le matin et le soir, mais ne suis souvent pas très concentré. Je médite sans chercher quelque chose, just sitting ; j’observe mon état, et suis surpris par les grandes différences d’un jour à l’autre, surtout le matin au réveil. Cer­tains jours je suis très calme et équanime, d’autres très agité et discursif, sans pourtant de raisons apparentes directes. J’ai l’impression que les conditions se développent en partie d’une façon empirique, quantique, comme l’apparition des particules ; avec toutefois un champ de probabilités conditionné par la présence et l’interférence de vagues d’énergies diverses…

C’est pourquoi je pense que l’esprit fonctionne comme la matière, qu’il n’est qu’une forme subtile de matière, ou que la matière est une forme grossière d’esprit. Dans le microcosme des particules élémentaires (atomes et plus petites), il n’y a pas de différenciation entre deux particules semblables, ni de sens du temps – même de temps tout court ; donc ni permanence ni imperma­nence, ni entropie (dukkha*). Les phénomènes commencent avec la molécule ; il semble que l’ap­parition des phénomènes qui constituent le samsara* corresponde à l’intervention de l’observateur. Le nirvana existe dès qu’il n’y a plus d’observateur, donc plus de dualité, de temps et d’espace, d’impermanence et de dukkha, seulement des potentialités qui répondent à des champs de probabili­tés. C’est ce qu’on appelle la vacuité, mais elle n’est pas vide, car il s’y manifeste sans cesse des phénomènes spontanés et fortuits ; du moins de façon virtuelle, car s’il n’y a pas d’observateur, ils n’ont pas besoin de se manifester réellement !

Les chantiers ont fait relâche pendant ces jours de fête ; ce n’était que plus bruyant, car les cris et la musique à pleine puissance ont remplacé le bruit des marteaux. Curieux comme les gens semblent à l’aise et rassurés par le bruit, et craindre le vide du silence. Refuser de regarder à l’intérieur de soi ou des choses du monde, de peur de se trouver face au vide ; de réaliser qu’il n’y a rien de substantiel, que tout ce qu’on perçoit n’est qu’illusion. Bien sûr, tant qu’on vit submergé par des flots ininterrompus de fortes impressions sensorielles, on ne risque pas d’entrevoir le vide sous-jacent qui est l’essence de toute chose, et dont les manifestations ne sont que des vagues sur l’océan.


Dukkha (pali) : insatisfaction, imperfection, souffrance. Une des trois caractéristiques de l’existence et de tous les phénomènes, selon le bouddhisme. Les deux autres sont anicca (l’imper­manence) et anatta (l’impersonnalité). Il y a trois sortes de dukkha : le dukkha de la souffrance : la souffrance est douloureuse par elle-même ; le dukkha du plaisir : le plaisir n’est pas complètement satisfaisant parce qu’il contient l’incertitude de son accomplissement et de son prolongement, la crainte de sa cessation et la nature douloureuse de la lassitude et de la satiété qu’il ne manquera pas de produire ; et le dukkha inhérent à tous les phénomènes conditionnés.

Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.

 

14 avril 1990, Bangkok

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