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La tranquillité

756 Lumière rose

756 Lumière rose

Il est difficile, dans un vocabulaire élaboré pour décrire le monde phénoménal, de trouver les mots appropriés pour qualifier des états qui n’appartiennent pas à ce monde.

Les mots joie et béatitude peuvent suggérer une certaine euphorie, une certaine agitation dans le ravissement. Il serait plus juste de parler de tranquillité, d’une paix profonde, immobile et silencieu­se, tout en étant lumineuse et joyeuse.

Dans les absorptions méditatives, les jhanas*, le pratiquant passe par des états de béatitude de plus en plus raffinés et subtils. Le premier, la félicité, comporte de fortes réactions physiologiques ; le second, la joie, est un état plus émotionnel ; le troisième, le contentement, concerne l’esprit et le corps mental ; le quatrième, le plus profond, est la paix de l’équanimité, une tranquillité neutre et pure : l’esprit s’est complètement tu.

Le fonctionnement mental est ce qui empêche la tranquillité. D’abord la sensation, qui juge les perceptions comme agréables, désagréables ou neutres. Puis la perception, qui nomme et qualifie les objets perçus. Enfin les formations mentales, qui font des commentaires. 

Sans ces trois agrégats* turbulents, seule la conscience observe, sans juger, qualifier ni commen­ter. Il n’y a qu’une présence sans personne qui soit présent. La conscience n’est plus individuelle, elle est cosmique : elle est.

Cette présence dans l’être est le sentiment d’exister. Il est toujours là, dans le repos comme dans toutes les activités de l’état de veille, dans le rêve, et aussi dans le sommeil profond et dans le samadhi*, même s’il est plus subtil. Il se manifeste par un léger frémissement, ou par le son du silence. 

C’est la conscience. Il n’y a qu’elle. Elle est la vacuité, matrice de la manifestation ; l’espace, dans lequel les dix mille choses apparaissent ; l’écran blanc, sur lequel le film de l’existence est projeté ; la lumière du soleil, qui éclaire tous les objets sans discrimination ; le miroir, qui reflète tout sans être affecté.

Il n’y a rien à faire pour trouver la tranquillité, puisqu’elle est déjà là, en permanence. Il suffit d’enlever tout ce qui la voile : les activités, les émotions, les pensées, les désirs et les peurs, le passé et le futur, les perceptions des sens, le monde. Quand on a enlevé tout ce qu’on peut imaginer, il ne reste que la tranquillité, paisible et lumineuse.

On peut aussi trouver la tranquillité dans l’espace interstitiel qui sépare les perceptions et les pensées. Se focaliser sur cet espace au lieu de se focaliser sur les objets des sens et les pensées. Se plonger dans ces minuscules trous noirs au fond desquels resplendit l’émerveillement de la pure conscience.


Jhana (pali ; sanscrit : dhyana) : absorption méditative. Les jhanas sont des états de profonde méditation produits par la concentration. Les enseignements du Bouddha citent huit jhanas – quatre jhanas de la sphère matérielle subtile et quatre jhanas de la sphère immatérielle. Si Ayya Khema insistait beaucoup sur l’importance de la pratique des jhanas, curieusement, ils sont rarement enseignés dans les milieux bouddhistes occidentaux, et même souvent déconseillés.

Agrégat (pali : khandha) : khandha signifie agrégat, tas, ensemble. Les cinq agrégats sont, selon les bouddhistes, les cinq grandes catégories – ou ensembles d’éléments – qui constituent l’être humain. Il s’agit de l’agrégat matériel : le corps (rupa), et des quatre agrégats mentaux : la sensation (vedana), la perception (sañña), les formations mentales (sankhara) et la conscience (viññana).

Samadhi (pali) : concentration. Dans un sens général, c’est la focalisation de l’esprit sur un objet, qui, même faible, est un phénomène mental associé à toute conscience. La concentration est la condition essentielle de toute méditation. Il existe différents degrés d’intensité de la concentration, dont les plus élevés permettent d’accéder aux absorptions méditatives (jhanas). Ce terme est souvent utilisé pour désigner la méditation du calme, et aussi pour désigner le calme de l’esprit obtenu par la méditation.

 

25 octobre 2013, Chiang Mai

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