VOYAGES INTÉRIEURS

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Le sens des activités

758 Lumière jaune

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Quel est le sens de ce que nous faisons, de nos activités ? Est-ce de passer le temps, de nous occuper, nous rendre utile, donner une raison à notre vie, éviter l’ennui, trouver un divertissement ? Et pourtant, toutes ces activités sont futiles et vides ; mais nous nous identifions à elles, et les mentionnons quand on nous demande ce que nous faisons. Ainsi, nous avons l’air occupé, par des choses importantes, qui nous donnent un statut, ou une étiquette, dans l’esprit des gens. Peindre, écrire, enseigner ou pratiquer le Dharma, c’est la même chose : des moyens de fuir la réalité, l’illusion de notre existence et du monde dans lequel nous nous activons. 

C’est pourquoi il est si difficile de ne rien faire, de juste rester là à contempler la vacuité et ses manifestations illusoires ; et nous essayons toujours d’y échapper en faisant des choses, en cher­chant une occupation, un loisir. Le simple processus impermanent et vide de la vie est ennuyeux : il ne s’y passe rien de concret, de réel pour notre perception limitée ; il n’y a que de l’énergie, des particules qui naissent et meurent sans cesse. Essayons pourtant de rester simplement dans la contemplation, la conscience de ce processus, sans nous en distraire par les perceptions illusoires des sens, les pensées et les projections dans le temps. 

Soyons au-delà du temps qui passe et de cette identification avec un soi qui s’y déplace ! Quelles raisons de bouger, voyager, s’activer ? Le processus est partout le même ; pas besoins de fuir l’ici et maintenant, car il n’y a nul ailleurs où aller : ce n’est qu’une projection du futur dans l’esprit ! Rien n’a de sens : celui que nous donnons aux choses n’est qu’attachement à des concepts, séparés du moi qui s’y attache. Fondons-nous dans la non-séparation, la non-dualité, dans ce magma non conceptuel. Le processus des choses telles qu’elles sont – ou ne sont pas – est au-delà de l’existence ou de la non-existence : ce sont encore des concepts subjectifs. 

Mais cette vision n’est-elle pas une vue nihiliste et pessimiste des choses ? Où est la béatitude ? La création peut-elle émerger du néant, et nous combler de joie, même si celle-ci n’est pas réelle ? Pouvons-nous sérieusement nous prendre à ce jeu ? Et même quand nous savons que c’est un jeu, le jouer pour ceux qui le prennent au sérieux, pour leur faire plaisir ? Car si nous déprimons, c’est que nous prenons la dépression au sérieux !

 

4 janvier 1996, Colombo, Sri Lanka

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