Équanimité
En début d’après-midi, pendant ma promenade, je me rendais compte que quand l’esprit est calme et pur, qu’il n’y a ni envie ni doute, il ne se pose pas de questions : tout est simple et clair. Il faut même faire un grand effort pour trouver un sujet de question ; plus de curiosité, plus de soif de connaissances, juste le flux de la nature. Je suis monté sur le chantier d’un petit bâtiment d’où l’on a une belle vue sur un grand espace en friche bordé au loin de cocoteraies ; inondé après les grosses pluies de ces derniers jours, on dirait un grand étang : c’est très beau. Au premier plan, par contre, il y a un talus couvert de vieux sacs de ciment, de planches, de briques cassées et d’autres détritus qu’on trouve au bord des chantiers. Je contemplais tout ça avec mon esprit clair et équanime, et ne percevais que des visions, sans discrimination. Je ne pouvais dire qu’une chose était plus belle qu’une autre. Un groupe de cocotiers, est-ce plus beau qu’une structure en béton inachevée, ou un buisson d’ibiscus plus beau qu’un tas de petites briques rouges ? Ce ne sont que des impressions visuelles impermanentes. Plus tard, en faisant de la marche méditative, je regardais de grandes herbes dont les fleurs violettes se dressaient au bout de leurs tiges, et un peu plus loin, les fleurs fanées des mêmes herbes pendaient comme de fines clochettes décolorées… Les deux ont leur charme.
Garder une parfaite équanimité devant les contacts des sens me semble une pratique essentielle ; la sensation (vedana) qui suit, neutre et sage, conserve néanmoins toute sa richesse.
10 novembre 1989, Suan Mokkh International